Test Shattered Union (Xbox) : 7/10 sur JeuxVideo.fr

Shattered Union va à rebours des références habituelles des jeux sur console. Le scénario est subtil, le jeu est lent et on y contrôle non des super héros bodybuildés mais des entités assez abstraites telles que l’Union européenne. De plus, la réalisation est dénuée de tout effet spectaculaire. Bref, voici le contre-pied presque parfait des jeux qui font le quotidien des sorties sur Xbox. Pour le meilleur ou pour le pire ?



La cinématique d’introduction me plonge immédiatement dans une ambiance inhabituelle. Les États-Unis sont en proie à une crise politique qui provoque une seconde Guerre de Sécession. Pour une fois, il ne s’agit pas de sauver le monde au nom de la bannière étoilée, mais bien de défendre la démocratie sur le sol américain. Si la réalisation de la cinématique n’est pas extraordinaire, la situation est en revanche étonnante, prenant source dans les errements des élections de 2000 pour imaginer un cauchemar populiste. Ce contexte original est à l’unisson du type de jeu, un wargame traditionnel sans aucune phase d’action, sans effets tonitruants, une sorte d’ovni ludique, quelque peu anachronique et résolument séduisant.

En effet, si ce jeu en tour par tour peut paraître démodé à beaucoup, il possède néanmoins un charme et une dynamique bien réels. Le genre avait été négligé depuis Warcraft et les jeux de stratégie en temps réel, au rythme plus frénétique, mais il garde des atouts incontestables, par son approche décalée. La réflexion est ici privilégiée. Nul besoin d’être agile de ses doigts, il suffit de réfléchir, de prendre son temps et de faire des choix judicieux. Shattered Union se divise, classiquement, entre une phase stratégique et des affrontements tactiques, chaque partie étant cruciale pour la victoire.

En effet, si l’affrontement tactique est ce qui nous occupe la majeure partie du temps, Shattered Union respecte le principe de base de tout wargame : gagner une bataille n’est pas gagner la guerre, et un joueur qui se concentrerait sur cette phase en négligeant d’intégrer ces batailles dans un plan d’ensemble serait rapidement condamné à la défaite. La gestion des ressources (militaires et financières) est en effet à la fois simple et redoutablement efficace ; engager beaucoup de troupes dans une bataille garantira le plus souvent la victoire, mais vous laissera nu dans le même temps si, par malheur, l’un de vos adversaires porte une attaque sur un autre front. De même, une victoire coûteuse en matériel peut se révéler pire qu’une retraite ordonnée : les rentrées d’argent sont minces et les unités les plus efficaces très coûteuses. Il est donc vital, dans la phase stratégique, de ne déclencher des batailles qu’à bon escient et de bien estimer les rapports de force pour limiter au maximum le nombre d’unités mobilisées et les pertes.



La phase tactique est, elle aussi, à la fois simple dans ses mécanismes et riche dans ses potentialités. Les différents types d’unités ont des atouts et faiblesses prononcés, et la mise en œuvre de tactiques complémentaires se révèle indispensable. L’artillerie, si puissante et si vulnérable, tout comme la redoutable mais coûteuse aviation, obligent à faire un emploi judicieux des troupes. Le système des objectifs, qui permet plusieurs solutions pour l’emporter, le nombre de tours limités et le coût des unités permettent (voire imposent), de développer des tactiques variées. Parfois, une guerre défensive d’usure va permettre de survivre à un ennemi agressif mais économiquement handicapé, tandis qu’à d’autres moments des tactiques de guérilla ou de harcèlement permettront de faire payer très cher la conquête de nos territoires. Enfin, il arrive parfois qu’on puisse s’offrir le luxe d’une attaque frontale, avec l’artillerie et l’aviation en soutien de nos chars lourds. Mais toujours, il faut savoir s’adapter au contexte, à l’ennemi et au terrain, et cette polyvalence est un des grands plaisirs de chaque engagement.

Hélas, si Shattered Union utilise à bon escient les vieilles recettes du jeu en tour par tour, la réalisation supporte quant à elle moins bien d’être aussi datée. Certes, le principe même du jeu implique une présentation austère, mais on peut quand même regretter que les ressources de la Xbox ne soient pas mieux mises à profit. En effet, la carte n’est guère lisible, les unités sont trop petites et difficilement identifiables, et on aura souvent du mal à faire la différence entre les ennemis et nos propres troupes. Devoir jongler régulièrement dans les menus d’information faute de pouvoir identifier visuellement les unités agace et gâche le plaisir, et mon goût pour les jeux à l’ancienne ne me permet pas d’aller jusqu’à apprécier des graphismes aussi peu attractifs. L’environnement sonore est lui aussi assez pauvre, et si les cinématiques sont intéressantes sur le plan scénaristique, leur réalisation est médiocre. On peut regretter que les efforts dans ces domaines n’aient pas été plus grands, car on peut penser qu’ils limiteront les probabilités pour Shattered Union de toucher un public plus large que les quelques aficionados du wargame traditionnel.



Réhabilitant avec brio le jeu en tour par tour, Shattered Union, avec son scénario et son rythme décalés par rapport aux productions habituelles, a beaucoup de charme et peut séduire des joueurs en recherche d’expériences ludiques peu conventionnelles. Cependant, quelques bugs et surtout une réalisation trop peu soignée obligent à nuancer ce jugement. Pour convaincre des joueurs peu habitués à un jeu aussi décalé, il aurait été souhaitable d’avoir un « emballage » plus attractif, l’austérité excessive du jeu limitant ses chances de séduire au-delà d’un public d’amateurs avertis, forcément restreint sur Xbox.



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